aide alimentaire

Cameroun : le calvaire des réfugiés nigérians de Minawao après la rupture de l’aide alimentaire

SOCIETE
Publié le 20 juin 2024
post image

Prostitution, mendicité ou encore petits commerces sont autant d’activités pratiquées pour subvenir aux besoins. Le gouvernement Camerounais de son côté met à disposition des terres et invite les réfugiés à se tourner vers l’agriculture.

Ayant fui leur pays d’origine pour cause de la crise sécuritaire à eux imposée par la nébuleuse Boko Haram, les réfugiés nigérians installés au camp de Minawao au Cameroun depuis plus d’une décennie font désormais face à une autre crise : celle de l’interruption de l’aide humanitaire. En effet, la rupture définitive de l’aide alimentaire par les partenaires du haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plonge ces populations dans une situation de précarité sans précédent. La plupart de ces familles de réfugiés qui, autrefois dépendaient essentiellement de l’assistance alimentaire du PAM pour survivre, sont désormais appelés à se battre eux-mêmes pour subvenir à leur ration alimentaire. Une situation qui n’est pas du tout facile pour ces derniers au regard de l’extrême pauvreté qui les caractérise dans une zone placée en tête du hit-parade des régions les plus précaires du Cameroun, selon le dernier rapport de l’institut national de la statistique.

On survit comme on peut

Au camp de Minawao où nous nous sommes rendus ce lundi 17 juin 2024 pour toucher du doigt le quotidien de ces victimes de guerre, sevrées depuis le mois d’avril 2024 de toute assistance alimentaire, il ressort que la situation n’est pas du tout tenable.

Camp de Minawao

Pendant que certains réfugiés utilisent toutes leurs dernières économies pour acheter de la nourriture tout en se remettant à Dieu pour la suite, d’autres se sont lancés dans les petits commerces pour pouvoir s’en sortir. Certains ayant appris des petits métiers désertent quasiment le camp et s’installent à leur propre compte dans les villes et villages avoisinants où ils mènent aisément des activités génératrices de revenus. Mais pour les femmes cheffes de familles, c’est une situation plus difficile. Certaines adoptent des « mécanismes d’adaptation négatifs » : sexe contre nourriture, sexe contre soins ou encore sexe contre vêtements. Iyagana Ali, une jeune femme de 35 ans entretient désormais des relations sexuelles avec des hommes en échange de nourriture pour ses enfants. « La vie est devenue très difficile ici après la rupture de l’aide qu’on nous fournissait. Donc, je me trouve obligée de me vendre pour trouver de quoi manger pour mes quatre enfants. Cela ne dépend pas de moi. Mon mari a été tué en 2018 par les terroristes. Je suis restée seule avec les enfants. Aujourd’hui on ne reçoit plus de ration alimentaire. Je n’ai pas de capital pour faire des petits commerces. Il n’y a personne pour me venir en aide ». Se défend-t-elle. Comme cette trentenaire, elles sont nombreuses au camp de Minawao, ces femmes qui se trouvent aujourd’hui obligées d’échanger des rapports sexuels contre de la nourriture, des vêtements ou de l’argent dans le but de subvenir aux besoins de leurs enfants.

Lire aussi: Zambie : 574 millions de dollars pour faire face à la sécheresse

D’autres réfugiés sont contraints à la mendicité pour survivre. Hommes, femmes et enfants désertent quotidiennement le camp et se ruent vers les centres urbains tels que Maroua, Mokolo, Mora, Yagoua, Kousseri entre autres, où ils arpentent régulièrement les rues, bureaux, commerces et autres lieux publics à longueur des journées, à la quête de la pitance journalière. C’est le cas Modu Ali, jeune réfugié de 12 ans, qui a rejoint une bande de mendiants vêtus de haillons qui se pressent dans les rues animées de Maroua, en quête d’une aumône. Le cas de Modu est très indicatif de la dégradation croissante de la situation vécue par la plupart des quelques 70 000 réfugiés nigérians du camp de Minawao.

Femmes et enfants du camp

Cette situaiton provoque également la malnutrition chez les enfants et d’autres maladies opportunistes chez les femmes enceintes et les femmes allaitantes et la déscolarisation des enfants qui au lieu d’aller à l’école se trouvent obligés d’aller chercher du travail. Ceci sans compter les conflits domestiques engendrés et les conflits entre réfugiés et populations hôtes.

150 hectares des terres cultivables pour faire face

Face à cette situation préoccupante, les autorités locales de la région l’Extrême-Nord encouragent les milliers de réfugiés nigérians du camp à se lancer dans l’agriculture à l’effet de subvenir eux-mêmes à leurs besoins. Il est question à travers cette initiative de faciliter l’autonomisation des pensionnaires du camp de Minawao. Pour ce faire, 150 hectares des terres cultivables leur ont été allouées pour exploitation. Le samedi 8 Juin dernier, le gouverneur de la région, Midjiyawa Bakari a officiellement procédé à la répartition de ces parcelles déjà déblayées et situées dans le village Gawar, à une dizaine de kilomètres de Minawao.

Exploitation des terres

Les premiers bénéficiaires, au nombre de 200 réfugiés, triés selon des critères préalablement bien définis et organisés par familles et par affinités, ont également reçus des intrants, des semences, des matériels de travail tels des bottes des houes et des tracteurs gracieusement mis à la disposition des réfugiés par le PNUD et le HCR. Ils sont désormais prêts à cultiver la terre en cette saison pluvieuse et savourer les fruits de leurs récoltes au bout des trois prochains mois. « Le président de la République a demandé que nous trouvions des moyens pour encadrer ces réfugiés conformément aux conventions de Genève« . Explique Midjiyawa Bakary. Le Gouverneur a également annoncé dans la foulée, la mise à la disposition des réfugiés d’une enveloppe de 100 millions de FCFA débloqué par le Président de la République pour accompagner les réfugiés jusqu’aux premières récoltes. Il a aussi rassuré que des hangars, des forages et des sanitaires seront réalisés sur le site sous peu afin de leur permettre d’y séjourner aisément pendant les travaux champêtres.

Lire aussi: Vague de chaleur extrême : quelques précautions à prendre

Rappelons que c’est depuis 2023 que programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) et l’agence des nations unies pour les réfugiés (UNHCR) mettaient en garde contre le risque d’interruption de l’assistance alimentaire vitale aux réfugiés dans les régions de l’Extrême-Nord, Nord, l’Adamaoua et l’Est du Cameroun en raison du déficit de financement. Cette situation avait déjà contraint le PAM à réduire les rations des réfugiés de 50 pour cent dans ces régions, entrainant également la distribution des paniers alimentaires incomplets depuis la fin 2023 avec des produits manquants tels que les légumineuses, l’huile végétale et le sel. Ce qui exposait déjà les communautés de réfugiés à une vulnérabilité accrue et limitent leur accès à des repas diversifiés et nutritifs.

Le camp de Minawao face la problématique de la surpopulation

La rupture de l’aide alimentaire n’est pas le seul problème auquel font face les réfugiés du camp de Minawao. Construit en 2013 à une soixantaine de kilomètres de la frontière nigériane pour accueillir les premières victimes du groupe terroriste Boko Haram, le camp de Minawao qui n’a pas été conçu pour durer connait aujourd’hui une croissance exponentielle. Plus d’une décennie passée, le camp continue toujours d’accueillir des nouveaux arrivants. A date, le nombre total de nouveaux arrivants estimé à 599 depuis le début de l’année 2024 ajouté à la croissance naturelle de l’année a porté la population totale du camp au 31 Mai 2024 à plus de 78 301 réfugiés nigérians. Avec cette surpopulation, les infrastructures et moyens pour répondre aux besoins alimentaires, sanitaires et éducatifs sont insuffisants. La situation atteint un point critique qui n’est pas soutenable sur la durée, à en croire les organisations humanitaires. Situé dans une région au climat semi-aride, le camp doit également faire face à d’autres pénuries : pas assez de ressources naturelles en eau, pas assez de terres cultivables tout autour.

Pour expliquer cet afflux, la cheffe du bureau du HCR à Maroua, Kimberly Roberson évoque plusieurs facteurs. La violence, d’une part, car les factions issues de Boko Haram continuent de s’en prendre aux habitants côté nigérian et le long de la frontière côté camerounais. Ensuite, la dégradation de la situation économique qui joue aussi un rôle. L’inflation, la chute de la monnaie nigériane Naïra, ou encore la pression sur les terres arables au Cameroun sont autant de soucis à régler.

Selon la cheffe du bureau du HCR à Maroua, Kimberly Roberson, en plus des 78 000 réfugiés inscrits dans le camp de Minawao, il y a environ 50 000 autres réfugiés qui vivent hors camp. On dénombre pratiquement 45 000 qui sont repartis dans plusieurs villes de la région de l’Extrême-Nord telles que Mora, Kolofata, Kerawa, Maroua, Kousseri, Fotokol, Mokolo, entres autres. 5 000 réfugiés sont installés dans les villes de la région voisine du Nord.

Célestin TABOULI Succès

Articles similaires

image goes here
POLITIQUE

La haute cour rwandaise a rejeté mardi l’appel de la figure de l’opposition qui réclamait l’annulation de ses condamnations antérieures.   l’opposant rwandais bernard ntaganda ne va pas être parmi les candidats de la présidentielle qui aura lieu le 15 juillet prochain. l’homme politique est disqualifié. « la haute cour a conclu que bernard ntaganda...

image goes here
Afrique Centrale

Ces crues sont dues à des pluies diluviennes qui se sont abattues dans la région province du tibesti. au moins 54 personnes ont trouvé la mort à la suite des inondations qui ont frappé la province du tibesti, située dans le nord désertique du tchad, une région touchée par des crues depuis vendredi dernier, selon...

image goes here
Tchad

Des tirs de joie effectués par des militaires et des civils ont entraîné la mort de plusieurs personnes, suscitant la consternation de l’opposition et de la société civile. des tirs d’armes automatiques ont retenti à ndjamena dans la nuit du jeudi au vendredi 10 mai 2024, provoquant la mort d’une dizaine de personnes et faisant...

image goes here
Tchad

Il a été élu dès le premier tour du scrutin avec 61% de voix. le général mahamat idriss déby itno 40 ans, a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle du tchad par le conseil constitutionnel jeudi 16 mai 2024. son arrivée à la magistrature suprême par suffrage, marque ainsi la fin d’une transition militaire ouverte...

logo
© 2025 All rights reserved. Powered by NotreAfrik