La présidente Samia Suluhu Hassan a annoncé, vendredi, la création d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les violences meurtrières survenues lors des manifestations anti-pouvoir du 29 octobre, journée d’élections contestées par l’opposition et plusieurs observateurs internationaux.
Cette initiative intervient alors que le pays reste plongé dans un climat de tension extrême, marqué par de nombreuses accusations de répression massive. Deux semaines après ces événements, les autorités ont confirmé la mise en place de cette commission, destinée à examiner les circonstances des violences et à établir les responsabilités. Selon l’opposition, plus de 1 000 personnes auraient perdu la vie lors des affrontements, un bilan officieux longtemps occulté par un blocage d’Internet de cinq jours.
Les forces de sécurité sont accusées d’avoir réprimé brutalement des manifestations spontanées déclenchées par ce que les opposants qualifient d’élections «frauduleuses». Le gouvernement, pour sa part, n’a toujours fourni aucun chiffre officiel.

Une commission d’enquête annoncée et un appel à la clémence
S’exprimant devant le Parlement à Dodoma, Samia Suluhu Hassan s’est dite «profondément attristée» par les pertes humaines, assurant que la nouvelle commission devra «déterminer les causes des événements» et guider le pays vers un «dialogue propice à la réconciliation et à la paix». Il s’agit du premier message de conciliation adressé aux manifestants depuis le début de la crise.
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Réélue avec près de 98 % des voix, un score fortement contesté puisque ses principaux adversaires avaient été emprisonnés ou disqualifiés, la cheffe de l’État a également plaidé pour un traitement différencié des centaines de personnes inculpées pour «trahison», une accusation passible de la peine de mort. Elle a reconnu que «de nombreux jeunes arrêtés ne mesuraient pas la portée de leurs actes» et a exhorté les forces de l’ordre à faire preuve de discernement : «Ceux qui ont manifestement suivi le mouvement sans intention criminelle doivent pouvoir corriger leurs erreurs», a-t-elle insisté.
Mais l’annonce présidentielle contraste avec le contexte actuel. Le Centre juridique et des droits humains (LHRC), l’une des principales ONG du pays, a dénoncé jeudi un harcèlement policier contre son équipe à Dar es Salaam. L’organisation affirme que ses membres ont été encerclés dans un hôtel et que du matériel a été saisi, une illustration, selon elle, du «climat de peur» qui règne dans le pays.
Ce durcissement s’inscrit dans une trajectoire amorcée sous le précédent président John Magufuli, dont le mandat avait été marqué par une dérive autoritaire. Arrivée au pouvoir en 2021, Samia Suluhu Hassan avait initialement été saluée pour quelques gestes d’ouverture envers les médias et l’opposition, avant que les violences et intimidations ne reprennent à l’approche des élections.
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Jeudi encore, deux sénateurs américains,un démocrate et un républicain, ont dénoncé des «élections entachées de répression politique orchestrée par l’État, d’enlèvements ciblés et de manipulations». Ils évoquent un «niveau de violence sans précédent», estimant que «des centaines de morts» ont été enregistrées. Dans leur communiqué, ils alertent également sur un «climat de peur» qui menace la stabilité de la Tanzanie et de «ses voisins», et appellent à une réévaluation des relations bilatérales avec Washington.
La commission annoncée par la présidente Hassan sera donc très attendue. Reste à savoir si elle permettra de restaurer la confiance, dans un pays profondément marqué par les violences électorales et un processus démocratique qui semble plus fracturé que jamais.
Notre Afrik avec AFP







