Le pays des hommes intègres est secoué par une affaire d’une ampleur inédite mêlant douaniers, magistrats et avocats dans un scandale de corruption et de blanchiment d’argent.
Révélée par le Comité d’orientation de la Commission de régulation des dysfonctionnements (CORAG), l’enquête met en lumière des pratiques frauduleuses remontant à 2021, mais aussi une trahison du système judiciaire censé garantir la probité publique.
Mercredi 12 novembre 2025, le porte-parole du KORAG, le capitaine Farouk Azaria Sorgho, s’est exprimé à la télévision nationale, révélant une série d’interpellations visant dix magistrats et un avocat de la Cour d’appel de Ouagadougou. Ces arrestations font suite à la « mascarade judiciaire » qui, en juillet 2024, avait blanchi treize douaniers pourtant pris en flagrant délit de corruption.

Une affaire qui remonte à 2021
Selon les conclusions du CORAG, tout commence en mai 2021, lorsque l’Autorité Supérieure de Contrôle d’État et de Lutte contre la Corruption (ASCE-LC) découvre que des douaniers réclamaient illégalement des pots-de-vin allant jusqu’à 150 000 FCFA pour autoriser le passage de camions pourtant déjà dédouanés. Ironie du sort : ces agents appartenaient à la Coordination nationale de lutte contre la fraude, l’unité censée combattre ce type de pratiques.
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L’enquête, appuyée par des images et vidéos accablantes, conduit à l’arrestation de treize agents, accusés de corruption active, passive et blanchiment de capitaux. Mais l’affaire prend une tournure surprenante lorsqu’un non-lieu est prononcé en juillet 2024, malgré des preuves irréfutables et des aveux partiels.
Pire encore, la Cour d’appel de Ouagadougou, saisie après un recours du procureur, confirme la décision en août 2025. Dans le même temps, les douaniers parviennent à obtenir, avec la complicité de magistrats, l’identité des dénonciateurs et des pièces confidentielles de procédure, exposant les lanceurs d’alerte à de graves représailles. L’un d’eux sera même condamné par un juge corrompu, sur demande d’un des agents impliqués.
Un réseau de magistrats éclaboussé et une riposte sans concession
Face à ce qu’il qualifie de «dérive morale et institutionnelle», le CORAG a ordonné une série d’enquêtes internes ayant débouché sur plusieurs interpellations en octobre 2025. Selon le capitaine Farouk Azaria Sorgho, les investigations ont révélé un réseau d’argent indélicat au sein même du système judiciaire : «D’importantes sommes ont circulé pour fausser le cours de la justice et acheter le silence», a-t-il affirmé.
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Sont notamment cités : un président de chambre, un procureur général, un substitut général, un procureur du Faso, un juge d’instruction, un juge au siège et un avocat. Tous sont soupçonnés d’avoir perçu des pots-de-vin pour orienter les décisions judiciaires et garantir un non-lieu aux agents douaniers impliqués.
Le CORAG dénonce un système dans lequel la corruption «a infiltré le cœur de la justice» et où les mécanismes de contrôle ont été contournés par ceux-là mêmes qui devraient les faire respecter. Le capitaine Sorgho a également dénoncé les «manipulations médiatiques occidentales», notamment françaises, qui tenteraient selon lui de discréditer la démarche du gouvernement burkinabè dans sa lutte contre la corruption.







