Même si cet artisanat, symbole de l’Afrique de l’Ouest, est très prisé à l’international et parfois vendu à des tarifs élevés, les femmes qui le fabriquent affirment ne toucher qu’une rémunération très faible en comparaison.
À l’abri de l’ombre généreuse d’un vieux manguier, dans la cour sablonneuse de son village du nord-ouest du Sénégal, Khady Sène entame la première étape d’un travail qu’elle connaît par cœur : tresser des roseaux pour donner naissance à un panier aux motifs éclatants. Bien que cet artisanat emblématique de l’Afrique de l’Ouest soit recherché dans de nombreux pays et vendu parfois à prix élevé, les femmes qui en sont les véritables créatrices estiment n’en tirer que des revenus dérisoires.

Une tradition transmise de génération en génération
Comme plusieurs après-midis de la semaine, Khady rejoint une dizaine de femmes pour tresser ensemble, perpétuant un savoir-faire ancestral transmis de mère en fille. La plupart d’entre elles n’ont jamais quitté leur région isolée, mais leurs paniers se retrouvent pourtant dans des boutiques de décoration aux États-Unis ou en Europe.

Les prix affichés à l’étranger, qui peuvent atteindre plusieurs centaines d’euros, contrastent fortement avec les maigres revenus qu’elles perçoivent. «Je fais ça depuis que je suis enfant», confie Khady, tandis qu’au loin résonnent les bêlements des chèvres derrière les murs en parpaings.
Des objets du quotidien vendus pour une poignée d’euros
Fabriqués à partir de roseaux et de fils plastiques colorés, autrefois des fibres naturelles, les paniers des villages wolofs prennent diverses formes : corbeilles, paniers à linge, boîtes ou plateaux. Sur les marchés locaux, un panier à linge est vendu autour de 13 000 francs CFA (environ 20 euros). Exporté par des intermédiaires, le même panier peut dépasser 150 euros. «Ceux qui viennent acheter au marché ne nous paient presque rien, et on ne couvre même pas nos frais», déplore Khady, mère de trois enfants.
Imadi, une initiative pour redonner de la valeur aux vannières
Quelques années plus tard, Fatima Jobe fonde Imadi, une boutique dakaroise spécialisée dans la vannerie sénégalaise. Elle travaille désormais avec 260 femmes réparties dans 15 villages, dont Khady. Ses modèles, souvent épurés et agrémentés de cuir, se distinguent sur le marché international. Certaines créations reviennent aux modèles traditionnels — les fameux «layu» — tandis que d’autres sont des œuvres originales.
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Fatima ne vit pas encore uniquement de cette activité, mais elle a instauré un système de rémunération plus juste, interdit le travail des enfants, approvisionne directement les artisanes en matériaux et finance même des écoles locales. «Des personnes comme elle, qui nous paient à la hauteur de nos efforts, il y en a peu», souligne Khady.

Des revenus faibles mais indispensables
Le Sénégal manque toutefois de structures et d’appui institutionnel pour rivaliser avec les grands producteurs asiatiques, regrette Fatima Jobe.
Ce manque se ressent aussi dans le commerce local. Dans une petite échoppe au bord d’une route poussiéreuse près de Mborine, Fatim Ndoye vend aux touristes des paniers multicolores. Elle les achète directement aux femmes le jour du marché. «Ici, les paniers partent pour presque rien», confie-t-elle. En semaine, ses ventes tournent autour de 3 000 francs CFA (4,5 euros), et montent à 10 000 francs (15 euros) le week-end. Des sommes modestes, mais vitales dans un pays où beaucoup de jeunes rêvent d’exil.
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Un savoir-faire qui résiste malgré les départs
À Thiembe, Adama Fall, veuve de 49 ans, réussit à subvenir aux besoins de sa famille grâce à son rôle de coordinatrice pour Imadi et à la confection de grands paniers. Dans son village, plusieurs jeunes hommes ont tenté la traversée vers l’Europe par la dangereuse route atlantique. Quatre d’entre eux n’ont pas donné signe de vie depuis cinq ans.
Pendant qu’elle travaille, sa plus jeune fille joue avec d’autres enfants autour de paniers abîmés, aux fils de plastique défaits. Malgré leur état, ces objets témoignent d’un héritage précieux, transmis de génération en génération.
Notre Afrik avec AFP







