Rwanda : des milliers d’églises évangéliques fermées

Rwanda : des milliers d'églises évangéliques fermées

Selon le recensement de 2024, environ 93 % de la population rwandaise se réclament du christianisme. Le traumatisme du génocide de 1994, marqué notamment par des massacres perpétrés jusque dans des lieux de culte, a contribué à la multiplication de nouvelles communautés religieuses, désormais étroitement surveillées par les autorités.

Jusqu’à trois fois par semaine, la Grace Room Ministry remplissait les gradins du plus grand complexe couvert de Kigali, capable d’accueillir près de 10 000 fidèles. Mais en mai dernier, cette méga-église a été contrainte de fermer ses portes, rejoignant des milliers d’autres lieux de culte évangéliques frappés par une vague de fermetures au Rwanda.

Depuis 2018, les autorités rwandaises ont durci les règles encadrant les activités religieuses. Les nouvelles dispositions exigent notamment des garanties en matière de sécurité, de transparence financière et de formation théologique des responsables religieux. Cette politique s’inscrit dans la vision du président Paul Kagame, peu favorable à l’expansion rapide des Églises évangéliques observée au Rwanda comme ailleurs sur le continent.

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Le cas emblématique de la Grace Room Ministry

Au Rwanda, la fermeture de la Grace Room Ministry a particulièrement surpris l’opinion. Sa dirigeante, Julienne Kabanda, attirait des foules considérables à la BK Arena, une infrastructure moderne de la capitale. Les autorités justifient la révocation de la licence par le non-respect répété des obligations de reporting financier et administratif. Jointe par l’AFP, la pasteure n’a pas donné suite.

Des fermetures massives et assumées

Contrairement à de nombreux pays africains où ces structures prospèrent souvent sans contrôle, la presse locale estime qu’environ 10 000 églises ont été fermées ces dernières années au Rwanda. Fin novembre, Paul Kagame n’a pas caché sa fermeté sur le sujet. Lors d’une conférence de presse diffusée en direct, il s’est interrogé sur l’utilité réelle de ces églises face aux priorités de développement du pays, allant jusqu’à dénoncer certaines comme des lieux d’escroquerie.

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Le refus de tout contre-pouvoir

Pour l’analyste politique Louis Gitinywa, ces prises de position traduisent avant tout la volonté du pouvoir de limiter toute influence concurrente. Selon lui, le Front patriotique rwandais (FPR), parti au pouvoir, supporte difficilement l’émergence d’acteurs capables de mobiliser massivement la population. Une source gouvernementale, sous couvert d’anonymat, partage cette analyse. Le chef de l’État voit par ailleurs dans l’Église un héritage du passé colonial, qu’il critique ouvertement.

Une population majoritairement chrétienne

D’après le recensement de 2024, près de 93 % des Rwandais se déclarent chrétiens. Le génocide de 1994, au cours duquel des massacres ont également eu lieu dans des églises, a favorisé l’émergence de nouvelles communautés religieuses, aujourd’hui dans le viseur des autorités. De nombreux fidèles sont désormais contraints de parcourir de longues distances pour pratiquer leur foi. À Kigali, un responsable religieux, préférant garder l’anonymat, redoute un avenir sombre pour les organisations confessionnelles.

Lire : Niger : plusieurs centaines d’ONG locales et étrangères suspendues en une semaine

Des exigences jugées difficiles à respecter

La réglementation impose aux églises la présentation de plans d’action annuels alignés sur les « valeurs nationales » et l’obligation de faire transiter les dons par des comptes officiels. Les pasteurs doivent également justifier d’un diplôme en théologie. Depuis mars 2025, une nouvelle condition est venue s’ajouter : fournir au moins 1 000 signatures de fidèles, une exigence que certains jugent irréalisable pour les petites communautés. Le pasteur Sam Rugira, dont deux églises ont été fermées en 2024, dénonce une pression excessive.

Notre Afrik avec AFP

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