Alors que la population attendait toujours les résultats des élections présidentielle et législatives du 23 novembre, un changement brutal de pouvoir est survenu le mercredi 27 novembre, à la mi-journée, après que des tirs ont été entendus près du palais présidentiel à Bissau.
Le mercredi 26 novembre, des membres des forces armées guinéennes ont annoncé avoir pris le «contrôle total» du pays. Ils ont procédé à l’arrestation du président sortant et suspendu l’ensemble des opérations électorales, alors même que la population attendait encore les résultats du double scrutin présidentiel et législatif organisé dimanche 23 novembre.
Le basculement du pouvoir s’est produit en milieu de journée, après des coups de feu signalés à proximité du palais présidentiel à Bissau. Des soldats ont ensuite investi l’avenue principale menant au bâtiment, selon des journalistes de l’AFP présents sur place. Face aux détonations récurrentes, des centaines d’habitants, à pied ou en voiture, ont quitté précipitamment le secteur afin de se mettre à l’abri.

Un général à la tête de la transition
En début d’après-midi, le général Denis N’Canha, chef de la maison militaire de la présidence, est apparu devant la presse, entouré de soldats armés, au siège de l’état-major. Il a déclaré qu’un «Haut commandement pour la restauration de l’ordre», rassemblant toutes les composantes de l’armée, assurait désormais la direction du pays, «jusqu’à nouvel ordre».
Selon une source militaire citée par l’AFP, le président sortant Umaro Sissoco Embalo, favori de la présidentielle, est détenu dans les locaux de l’état-major. Un officier affirme qu’il est «bien traité». Une autre source confirme que le président, le chef d’état-major ainsi que le ministre de l’Intérieur sont aux mains des putschistes.
Des accusations de complot et d’ingérence criminelle
Le général N’Canha affirme que les renseignements auraient mis au jour un « plan de déstabilisation » impliquant des figures influentes du trafic de drogue, phénomène endémique dans le pays. Pour encadrer le scrutin et l’après-élection, plus de 6 700 membres des forces de sécurité avaient été déployés, dont des agents de la force de stabilisation de la Cedeao.
📣 Ne manquez plus rien de l’actualité africaine en direct sur notre chaîne WHATSAPP
Les missions d’observation de l’Union africaine et de la Cedeao, accompagnées du Forum des sages de l’Afrique de l’Ouest, ont exprimé leur vive inquiétude et dénoncé une tentative manifeste de saboter le processus démocratique. De son côté, le secrétaire général de l’ONU António Guterres appelle au calme et exhorte l’ensemble des acteurs à respecter l’État de droit. Le Portugal, ancienne puissance coloniale, demande également la reprise du processus électoral dans un climat apaisé.
Fermeture des frontières et couvre-feu national
Le général N’Canha indique que des armes auraient été introduites clandestinement dans le pays pour renverser l’ordre constitutionnel. Il annonce par ailleurs la suspension totale du processus électoral, la fermeture des frontières terrestres, aériennes et maritimes, ainsi qu’un couvre-feu strict. Considérée comme un État très pauvre d’environ 2,2 millions d’habitants, la Guinée-Bissau est régulièrement pointée du doigt pour sa corruption et son rôle dans le trafic international de stupéfiants.
Lire : Guinée-Bissau : Umaro Sissoco Embalo a été neutralisé
L’opposant Domingos Simões Pereira, figure majeure du PAIGC, le parti à l’origine de l’indépendance et non retenu pour la présidentielle, a lui aussi été arrêté, selon ses proches. Un membre de sa famille affirme qu’il «n’est pas en sécurité». Des hommes armés se seraient rendus au siège de campagne du candidat Fernando Dias, où ils auraient lancé des gaz lacrymogènes afin d’interpeller ce dernier ainsi que l’opposant Pereira, alors en réunion.
Situation incertaine dans le pays
La localisation de Fernando Dias restait inconnue en fin de journée. À Bissau, les rues se sont vidées dès l’entrée en vigueur du couvre-feu, tandis que les militaires ont renforcé leur présence sur les axes principaux. La Commission nationale des élections a elle aussi été attaquée mercredi par des individus armés non identifiés, selon un responsable de son service de communication.
La Guinée-Bissau, petit État côtier d’Afrique de l’Ouest enclavé entre le Sénégal et la Guinée (Conakry), est coutumier des crises. Depuis 1974, année de son indépendance, quatre coups d’État réussis et de nombreuses tentatives de putsch ont déjà marqué son histoire. Ce nouvel épisode s’ajoute à la série de renversements militaires survenus dans la région depuis 2020, notamment au Mali, au Burkina Faso, au Niger et en Guinée.
Notre Afrik avec AFP







