Rwanda-Belgique : rupture diplomatique consommée

La décision de Kigali de rompre ses relations diplomatiques avec Bruxelles marque une nouvelle escalade dans les tensions régionales en Afrique centrale. Ce divorce diplomatique, qui s’inscrit dans un contexte de rivalités persistantes autour du conflit en République démocratique du Congo (RDC), reflète aussi les rapports de force entre l’Afrique et ses anciens partenaires européens.

Le 17 mars 2025, le Rwanda a annoncé la rupture de ses relations diplomatiques avec la Belgique, ordonnant à l’ensemble des diplomates belges de quitter son territoire sous 48 heures. Kigali accuse Bruxelles de soutenir la RDC dans le conflit qui l’oppose aux rebelles du M23, un groupe armé actif dans l’est du Congo, et d’adopter une posture hostile à l’égard du gouvernement rwandais. Cette annonce a immédiatement suscité une réaction ferme de la Belgique, qui a qualifié cette décision de « disproportionnée » et a pris des mesures réciproques en déclarant persona non grata les diplomates rwandais.

Le président Kagame en Belgique pour la rencontre des Journées européennes du développement en JUIN 2018

Cette rupture intervient dans un climat de tensions croissantes entre le Rwanda et plusieurs puissances occidentales, notamment la Belgique et la France, qui ont renforcé leur soutien au président congolais Félix Tshisekedi dans sa lutte contre les groupes armés qui déstabilisent la région. L’Union européenne, sous pression de certains de ses membres, a récemment envisagé des sanctions contre Kigali, accusé de soutenir les rebelles du M23, malgré les démentis du gouvernement rwandais. La Belgique, ancienne puissance coloniale du Rwanda et de la RDC, a été l’un des principaux promoteurs de ces sanctions, aggravant ainsi l’animosité entre Bruxelles et Kigali.

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Un conflit aux enjeux multiples

Si la décision rwandaise est perçue comme une réponse aux pressions belges et européennes, elle soulève des questions plus larges sur l’avenir des relations entre l’Afrique et ses anciens colonisateurs. Le Rwanda, qui a réussi à bâtir une économie résiliente et un modèle de gouvernance centré sur la souveraineté nationale, défend une diplomatie plus affirmée et refuse toute ingérence étrangère dans ses affaires. Dans cette optique, la rupture avec la Belgique s’inscrit dans une logique de repositionnement du Rwanda sur l’échiquier africain et international.

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D’un autre côté, cette crise diplomatique ne peut être dissociée des tensions régionales en Afrique centrale. Le conflit en RDC, qui implique de multiples acteurs étatiques et non étatiques, est un enjeu majeur pour la stabilité de la région des Grands Lacs. Alors que Kinshasa accuse Kigali de soutenir les rebelles du M23, le Rwanda reproche à la RDC d’héberger des groupes armés hostiles à son gouvernement, notamment les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). La Belgique, en adoptant une position ouvertement favorable à la RDC, a contribué à cristalliser les tensions.

Une rupture symptomatique des relations Afrique-Europe

Au-delà de la RDC et du Rwanda, cette crise diplomatique illustre les rapports complexes entre l’Afrique et l’Europe. Depuis plusieurs années, de nombreux pays africains, notamment en Afrique de l’Ouest et centrale, remettent en question leurs relations avec les anciennes puissances coloniales. Le Rwanda, avec son modèle de développement indépendant et sa diplomatie proactive, s’inscrit dans cette dynamique de diversification des partenariats et d’émancipation vis-à-vis de l’Occident.

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Alors que l’Union africaine et d’autres organisations régionales appellent au dialogue pour désamorcer la crise, la question se pose : cette rupture entre Kigali et Bruxelles annonce-t-elle une redéfinition plus large des relations entre l’Afrique et l’Europe ? Ou bien s’agit-il d’un épisode ponctuel dans une série de tensions récurrentes entre le Rwanda et ses partenaires occidentaux ?

En attendant, cette crise met en lumière l’urgence d’une approche africaine concertée face aux enjeux de sécurité régionale. Plutôt que de subir les rivalités entre puissances étrangères, les pays africains doivent renforcer leur coopération et proposer des solutions africaines aux conflits du continent.

Simon Pierre Etoundi