L’éminent sociologue spécialisé dans les études sur les migrations et les migrants explore l’impact des dynamiques migratoires sur la vie sociale et politique belge.
Le Professeur Marco Martiniello est directeur de recherche au Fonds de la Recherche Scientifique (FNRS) et enseigne à l’Université de Liège. Il a également travaillé au Centre d’Études de l’Ethnicité et des Migrations (CEDEM), où il explore l’impact des dynamiques migratoires sur la vie sociale et politique belge. Ses recherches influencent les politiques publiques et sensibilisent aux enjeux de diversité et d’inclusion dans la société belge. Il répond aux questions de Notre Afrik.
Au regard des dernières élections locales, nationales et européennes, pouvez-vous nous donner un aperçu de l’évolution de la représentation des élus d’origine africaine dans le paysage politique belge au cours des dernières années ?
En fait, la visibilité des personnes subsahariennes dans la politique belge n’est pas un phénomène très ancien. Les personnes immigrées d’autres origines, notamment européennes, marocaines et turques, ont été visibles dans la politique belge avant les Subsahariens. Cela est probablement dû en partie au fait que les immigrations subsahariennes vers la Belgique sont relativement récentes. Certes, dans les années 60, avec la décolonisation, des personnes d’Afrique subsaharienne sont arrivées en Belgique, mais leur présence dans la société belge s’est affirmée plus tardivement. Par conséquent, leur entrée en politique en Belgique a également été plus tardive. Cela ne veut pas dire qu’ils ne s’intéressaient pas à la politique auparavant, mais ils s’investissaient peut-être dans d’autres milieux, comme les associations.
Neufs Africains qui ont remporté des sièges lors des scrutins fédéraux et régionaux.
Même aujourd’hui, lors de la formation des listes pour les élections européennes, il y avait très peu de candidats d’origine subsaharienne, ce qui ne reflète pas la présence africaine en Belgique. Au niveau des élections fédérales, la situation est un peu meilleure. À mon avis, ce sera encore mieux pour les élections communales en octobre, particulièrement dans certaines régions, villes et communes où la présence africaine est relativement importante, comme autour de Bruxelles. En somme, il existe aujourd’hui une sous-représentation des populations africaines dans la politique belge à tous les niveaux, et c’est une situation que les partis devraient aborder de manière plus sérieuse.
Et si on élargissait la chose à l’Afrique dans sa globalité, comment apprécieriez-vous cette présence ?
Si on intègre les populations originaires d’Afrique dans leur ensemble, il y a un peu plus de visibilité, notamment avec les Belges originaires du Maroc. Lors des dernières élections, il y a eu en effet de nombreux candidats d’origine marocaine, surtout dans la région de Bruxelles où ces populations sont fortement concentrées, et dans une moindre mesure autour d’Anvers. Cette immigration de travail marocaine a commencé dès les années 60.
Qu’est-ce qui peut expliquer cela selon vous ? Pourquoi la partie francophone belge est-elle plus ouverte que la partie néerlandophone à la représentation africaine ? La langue explique-t-elle tout ?
Je pense que la question linguistique joue un rôle, mais pas un rôle central. Il y a beaucoup de Flamands africains qui parlent parfaitement le néerlandais et d’autres langues. Mon sentiment est que la droitisation du mouvement politique flamand rend plus difficile l’ascension politique dans cette partie du pays. Cependant, je ne dis pas que c’est beaucoup plus facile dans la partie francophone. Du reste, la société belge est encore marquée par un racisme structurel qui tend à exclure certaines populations, surtout lorsqu’elles aspirent à entrer dans les sphères de pouvoir.
Quels défis spécifiques rencontrent les élus d’origine africaine en Belgique par rapport à leurs homologues européens, et comment ces défis ont-ils évolué récemment ?
Il existe un racisme systémique qui offre des avenues de participation à certaines populations plutôt qu’à d’autres. Pour contourner ce problème, certains partis politiques font l’effort de mettre des candidats d’origine africaine sur leurs listes pour se déclarer non racistes. Cependant, il faut que les partis politiques donnent plus de consistance à une politique antidiscriminatoire en leur propre sein, bien que beaucoup ne le feront pas.
Député au Parlement bruxellois
Ce n’est pas un problème d’éducation, car parmi les populations africaines de Belgique, il y a un niveau d’éducation élevé. De plus, il y a une conscientisation sociale et politique notable. Le problème est davantage lié à l’exclusion par les institutions politiques belges. Ce rejet est souvent subtil, et les personnes d’origine africaine doivent peut-être davantage intégrer les partis politiques pour faire changer les choses de l’intérieur, même si c’est compliqué en raison des divisions internes entre les populations africaines en Belgique.
Dans quelle mesure les partis politiques traditionnels belges intègrent-ils les préoccupations des communautés d’origine africaine dans leurs programmes et actions politiques ?
Les choses ont évolué. Il y a 20 ans, par exemple, il était impossible de parler de l’impact du colonialisme en Belgique. Maintenant, des discussions ont lieu, en partie grâce à des mouvements comme Black Lives Matter aux États-Unis en 2020, qui ont incité la Belgique à mettre en place un plan interfédéral de lutte contre le racisme. Cependant, il reste beaucoup à faire.
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L’essor des partis populistes d’extrême droite, qui prônent l’exclusion sur une base raciale, complique les choses. Les partis politiques progressistes tentent de lutter contre le racisme structurel et systémique qui existe depuis l’époque coloniale, mais c’est une tâche difficile.
Comment interprétez-vous l’impact de la montée de l’extrême droite et de ses idées racistes, islamophobes et xénophobes sur la participation et la représentation politique des Afro-Belges ?
La montée de l’extrême droite peut à la fois stimuler et décourager l’engagement politique des Belgo-africains. Cela peut constituer une source de découragement par crainte d’être renvoyé dans leur pays d’origine. L’impact varie selon les individus et leurs profils.
Quelles stratégies peuvent être mises en place pour améliorer la représentation et l’influence des élus d’origine africaine dans le contexte politique belge actuel, surtout face à la montée des mouvements d’extrême droite ?
Je pense que l’espoir réside dans les jeunes générations. Il est temps de laisser l’espace aux jeunes, aussi bien pour les populations d’origines africaines que pour les autres. Cela pourrait fédérer davantage les Africains de Belgique autour de causes précises, malgré la complexité liée à la multiplicité des origines. Les rares sujets de convergence, comme la lutte contre le racisme et les discriminations, doivent être mis en avant pour faire avancer les causes africaines en Belgique.
Entretien mené par Emmanuel BABISSAGANA
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