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Colonisation allemande au Cameroun : des objets de culture jadis pris illégalement sont exposés à Douala pendant 4 mois

CULTURE
Publié le 11 août 2025
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Ces objets d’art, de culte, de cultures, les cartes, et photos sont exposés au palais de la culture Sawa dans la capitale économique du Cameroun en attendant leur restitution définitive. Ils retracent l’histoire de la création du Cameroun et de la colonisation allemande. L’exposition ouverte le 8 août s’achève le 6 décembre 2025.

L’ouverture de l’exposition dénommée « Il était une fois, la naissance du Staat Kamerun 1884-1914 » a fait le plein de foule, le 08 août dernier, jour anniversaire de l’assassinat de Douala Manga Bell et ses compagnons. Dans la vaste pièce du palais de la Culture, des visiteurs et curieux de tout âge et de diverses nationalités, venus voir et immortaliser ces objets dont le Cameroun a engagé depuis quelques années des démarches pour leur restitution définitive. Ces objets exposés à Douala viennent des musées d’Allemagne et de Suisse où ils retourneront au terme de l’exposition.

Colonisation allemande au Cameroun : des objets de culture jadis pris illégalement sont exposés à Douala pendant 4 mois

une carte du Cameroun pendant la colonisation Allemande

Ces objets camerounais « pris de manière illégale » pendant la colonisation allemande abondent. Ce sont notamment des masques, des fusils, des fauteuils royaux, des pirogues à l’intérieur desquelles se trouvent des pagayeurs… Parmi ces objets, la canne de Rudolph Douala Manga Bell, celle qu’il a utilisée lors de son séjour en Allemagne entre 1891 et 1896. Il y a aussi des photos qui retracent le mode de vie à l’époque coloniale, notamment le quotidien des populations, les maisons, les hôpitaux. Il y a également des cartes, celles montrant le découpage administratif du Cameroun, l’évolution de la carte du Cameroun jusqu’à sa forme actuelle.

Des dates, une histoire

L’une des cartes retrace la colonisation allemande au Cameroun, de leur arrivée en 1884 jusqu’à leur départ en 1914. Elle explique la création de l’Etat du Cameroun, partant de la signature du traité Germano-Douala le 12 juillet 1884 ; le hissage du drapeau Allemand au plateau Joss deux jours plus tard ; l’installation, le 26 février 1885 du premier gouverneur allemand à Kamerunstadt, Julius Freiherr Von Sodden ; le début de l’organisation administrative le 07 mai 1887 ; l’ouverture de la première école publique en 1887 ; l’établissement de la station de Yaoundé par une expédition militaire en 1889 ; le traçage de la frontière Est du territoire le 04 février 1894 ; le grand soulèvement nordiste des Peuls en 1907 ; la création des commissions foncières le 22 décembre 1910 ; la ségrégation coloniale en 1911 ; les premières expropriations à Douala en 1912 ; l’enlèvement à l’Allemagne de la ville de Douala par les forces armées de la triple entente et l’évacuation de la ville par les Allemands le 27 décembre 1914 pour éviter sa destruction. On y retrouve aussi la liste des martyrs par aire culturelle, notamment l’aire Sawa (14), l’aire soudano-sahélienne (12), l’aire Fang-Béti (12), l’aire Grassfields (12). L’exposition donne diverses autres informations sur l’histoire du Cameroun et des Camerounais…

Colonisation allemande au Cameroun : des objets de culture jadis pris illégalement sont exposés à Douala pendant 4 mois

la liste des martyrs

Le vernissage dénommé « Il était une fois, la naissance du Cameroun, Staat Kamerun 1884-1914 » est initié par le musée national du Cameroun, Doual’art, le Goethe-Institut, et la communauté urbaine de Douala, en étroite collaboration avec le musée Markk de Hambourg et le soutien du ministère des Affaires étrangères d’Allemagne. Pendant 4 mois, jusqu’au 6 décembre 2025, l’exposition qui se tient à la maison de la culture Sawa à la place de la Besseke est ouverte au grand public. Une dizaine d’objets venant de l’Allemagne et de la Suisse prêtés par plusieurs musées.

Selon le 1ᵉʳ adjoint au maire de la ville de Douala, le Dr Jérémie Sollè, cette exposition est le résultat de la volonté de divers partenaires, dont la Communauté urbaine de Douala qui a mobilisé les moyens pour qu’elle ait lieu, afin de permettre à la ville de bâtir son identité culturelle. L’exposition a par ailleurs été financée, d’après l’ambassadeur de l’Allemagne au Cameroun, par le ministère des Affaires étrangères allemand, dont la rencontre avec la princesse Marilyn Douala Manga Bell a été le déclic pour la tenue de cette exposition.

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Colonisation allemande au Cameroun : des objets de culture jadis pris illégalement sont exposés à Douala pendant 4 mois

la canne de Rudolph Douala Manga Bell

Archives

L’exposition aborde divers aspects. « L’exposition est structurée en 10 sections. Dans la partie 4 par exemple, nous avons tout ce qui concerne la science et l’instrumentalisation de la science dans le rapport colonial et colonisé. Nous avons aussi abordé des questions de commerce, de travail, et d’économie. La cartographie a permis d’identifier à la fois les ressources souterraines, mais aussi les lieux détenteurs de ces ressources destinées à l’exportation », explique Yvan Langué, commissaire d’exposition. Et selon la princesse Marilyn Douala Manga Bell, trois éléments fondamentaux font cette exposition. « Il y a des objets qui viennent d’Allemagne, qui nous sont prêtés par les musées allemands et qui sont des pièces authentiques qui ont soit été pillées ou vendues. Le deuxième élément de cette exposition, ce sont des archives.

Il est extrêmement important de voir qu’il y a beaucoup d’archives qui restent ici au Cameroun et qui sont exposées ici. Ces archives nous montrent comment il y a eu des négociations par écrit, comment il y a eu des tensions, des discussions ou des négociations ; comment l’impôt est arrivé, la relation à l’argent, des ventes de terre. Il y a aussi des cartographies qui sont classées comme des archives », note-t-elle. La troisième dimension de cette exposition, explique la directrice de l’espace Doual’art, « c’est la dimension d’art contemporain. C’est une interpellation à notre imaginaire, à une lecture des archives, à une lecture des objets. Et c’est cet art contemporain qui nous permet de nous projeter en dehors du passé et de regarder ce présent, mais aussi de nous libérer des chaînes du passé et de chercher à identifier sur quoi on peut s’appuyer pour aller vers l’avenir ».

Colonisation allemande au Cameroun : des objets de culture jadis pris illégalement sont exposés à Douala pendant 4 mois

un fusil

Restitution toujours attendue

L’ambition de cette exposition est de partager avec le plus grand nombre l’évolution du Kamerun Staat (ville de Douala) au Staat Kamerun, (l’Etat du Kamerun). La princesse Marilyn Douala Manga Belle rappelle également le contexte et les démarches qui ont abouti à cette exposition. En 2014, elle était chargée de mener les célébrations de la commémoration du centenaire de la mort de Douala Manga Bell. Beaucoup de personnes ont demandé à avoir plus d’informations sur cette période historique qui marquait la fin de l’histoire de l’Allemagne coloniale au Cameroun. Une manière de parler positivement de ces héros, de ces personnes qui ont donné leur vie à cette cause.

Lire : Restitution des objets coloniaux : un nouveau texte de loi présenté en France

Quelques années plus tard, elle met en place une exposition qui s’appelait les 130 premières années du Kamerun. Elle fait la rencontre de la directrice du musée de Hambourg, et lui demande la possibilité d’organiser la présentation dans son musée d’une exposition appelée « Hey Hambourg do you know Douala Manga Bell ». L’une des deux conditions est d’engager par la suite un processus de restitution. Les deux parties sont d’accord. Et de fil en aiguille, cette exposition a été pensée, mise en place et réalisée… En plus de Yaoundé et Douala, l’exposition devait également être présentée à Buea. Reste maintenant la restitution effective de ces objets de culte et de culture.

Blaise Deumo

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