Minawao : du charbon écologique pour gagner sa vie et protéger l’environnement

Plusieurs femmes réfugiées nigérianes se sont lancées dans la production de cette variante en réponse aux défis environnementaux, mais aussi pour saisir une opportunité économique.

Situé sur une superficie de 650 hectares dans une plaine entourée de collines vallonnées, le camp des réfugiés nigérians de Minawao, dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, a subi des sécheresses de fréquence et d’intensité croissantes ces dernières années. L’afflux de réfugiés fuyant les exactions de la secte Boko Haram a entraîné l’abattage de presque tous les arbres environnants pour fournir du combustible à ces victimes de la secte islamique, dont la population est aujourd’hui estimée à 78 500 réfugiés. Désormais, les femmes réfugiées doivent parcourir des dizaines de kilomètres à pied autour du camp pour s’approvisionner en bois. Une situation qui accentue fortement les tensions entre populations hôtes et réfugiés.

produits dérivés

Face à ce fléau environnemental, les femmes réfugiées, qui autrefois utilisaient le bois de chauffe pour leurs besoins domestiques, se sont tournées vers une alternative plus durable : le charbon écologique. Ce dernier est désormais massivement utilisé en cuisine.

D’une pierre deux coups

À Minawao, de nombreuses femmes se sont lancées dans la production de charbon écologique pour non seulement satisfaire une demande en pleine expansion, mais aussi faire de cette production une activité génératrice de revenus leur permettant de s’autonomiser sur le plan socioéconomique. Une incursion dans ce camp nous a permis de rencontrer Liattou Hadilla, qui a fait de cette activité son principal moyen de subsistance. Elle produit régulièrement ce charbon qu’elle vend, permettant ainsi à sa famille de subvenir à ses besoins de manière décente. Elle témoigne de l’impact positif de son activité sur sa vie familiale.

Le charbon écologique présenté lors de l’incursion dans le camp des réfugiés

«La fabrication de charbon écologique m’a permis de subvenir aux besoins de ma famille. Grâce à cette activité, j’ai pu assurer une meilleure qualité de vie pour mes enfants, tout en contribuant à la protection de l’environnement», explique-t-elle avec fierté. «Chaque jour, je suis motivée par l’idée que mon travail a un double impact positif : économique et écologique. Le charbon écologique est un produit qui non seulement réduit notre dépendance aux sources de combustible fossile, mais aide aussi à réduire la déforestation. En utilisant des déchets organiques, nous pouvons produire un charbon qui est non seulement efficace, mais également respectueux de l’environnement. Je suis fière de contribuer à un avenir plus vert et plus durable».
Ainsi, dans le camp de Minawao en proie à la désertification, l’initiative des femmes de produire et d’utiliser du charbon écologique constitue non seulement une réponse ingénieuse aux défis environnementaux, mais aussi une opportunité économique durable.

Un charbon produit à base de résidus agricoles et ménagers biodégradables

Encore appelé charbon vert ou bio-charbon, le charbon écologique est un combustible solide produit à partir de résidus agricoles et ménagers biodégradables, riches en carbone. Le processus de fabrication suit plusieurs étapes, comme l’explique Liattou Hadilla. « On commence par collecter des déchets organiques tels que les résidus agricoles et d’autres matières végétales. Les matières premières sont séchées pour réduire leur teneur en humidité. Cela peut se faire naturellement au soleil ou à l’aide de séchoirs. Les matières séchées sont ensuite carbonisées dans des fours ou des réacteurs», explique-t-elle. Ce processus consiste à chauffer les matières à haute température en l’absence d’oxygène, ce qui permet de convertir la matière organique en charbon. Après la carbonisation, le charbon est refroidi. « Ce refroidissement peut se faire naturellement ou à l’aide de systèmes de refroidissement, » ajoute-t-elle.

Les femmes réfugiées fabricantes du charbon écologique

Le charbon obtenu est alors broyé en une fine poudre qui est ensuite mélangée avec un liant naturel (comme la gomme arabique) pour former une pâte. Cette pâte est ensuite moulée en briquettes ou en granulés. Les briquettes ou granulés sont séchés une dernière fois pour s’assurer qu’ils ont une teneur en humidité très faible. Le charbon écologique est enfin emballé et prêt à être utilisé. Liattou Hadilla ajoute que «Ce processus permet, selon les environnementalistes, de produire un charbon respectueux de l’environnement, qui brûle plus proprement et plus efficacement que le charbon traditionnel. Les femmes qui l’utilisent témoignent d’ailleurs que c’est un charbon qui ne fume presque pas du tout».

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Il faut souligner qu’au Cameroun, malgré l’existence d’une diversité de ressources énergétiques, la consommation d’énergie domestique est constituée à 82,3 % de bois de feu, 30,6 % de charbon de bois et 27 % de gaz sur l’ensemble du territoire national, d’après une estimation du Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR). Ce sont 2,2 millions de tonnes métriques qui seraient brûlées chaque année dans le pays. En zone rurale et dans certaines régions du pays telles que l’Extrême-Nord, le Nord et l’Est, l’on note une plus grande utilisation du feu de bois comme énergie de cuisson, soit 95 %.

En plus de la déforestation sans cesse croissante, cette utilisation accrue du charbon de bois est l’une des causes responsables de pollution et d’émission de gaz à effet de serre. Elle est aussi une menace à la préservation de la biodiversité et de la sécurité alimentaire. Il est donc essentiel de promouvoir des alternatives écologiques comme le charbon écologique pour répondre à nos besoins domestiques.

Célestin Tabouli Succès