Dr Clément Diarga Basse est médecin de formation, spécialisé en médecine du travail et en santé publique. Il a longtemps œuvré dans les politiques stratégiques de santé au Sénégal. Il revient ici sur les enjeux de la réduction des risques liés au tabac et le rôle que pourraient jouer les gouvernements africains.
Quelle est la différence majeure entre les cigarettes classiques et les produits à base de tabac chauffé ?
Dr Clément Diarga Basse : La différence réside d’abord dans la température. Une cigarette classique, lorsqu’elle est allumée, atteint entre 650°C et 850°C. Cette combustion produit environ 6 000 substances chimiques, dont plusieurs sont cancérigènes. À l’inverse, les produits à base de tabac chauffé ne dépassent pas 350°C. Il n’y a donc pas de combustion, mais une libération contrôlée de la nicotine, avec une réduction de 90 % des substances nocives par rapport à la cigarette. Il est important de préciser que la nicotine n’est pas cancérigène – contrairement à une idée reçue. Ce sont les produits issus de la fumée qui posent problème.
La nicotine reste tout de même un produit à risque, non ?
Oui, absolument. Ce n’est pas un produit sans danger. Elle crée une dépendance, peut accélérer le rythme cardiaque et augmenter la pression artérielle. Elle est donc déconseillée aux enfants, aux femmes enceintes ou allaitantes et aux personnes souffrant de pathologies cardiovasculaires. Mais il est essentiel de déconstruire l’amalgame : la nicotine n’est pas responsable des cancers. Ce sont les goudrons et autres substances chimiques de la fumée qui le sont.
En quoi les alternatives comme le tabac chauffé peuvent-elles améliorer la santé publique ?
Ces alternatives permettent de réduire les maladies liées au tabac, comme les cancers, les maladies cardiovasculaires ou les bronchopneumopathies chroniques obstructives. Des études cliniques ont montré qu’en passant du tabac classique à ces produits, certains marqueurs biologiques s’améliorent significativement. La FDA (Food and Drug Administration) aux États-Unis a d’ailleurs reconnu la valeur de ces produits. On n’est pas encore au bout du chemin sur le plan épidémiologique, mais les résultats sont prometteurs.
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Pourtant, malgré les politiques anti-tabac, le nombre de fumeurs ne diminue pas vraiment dans nos pays. Pourquoi ?
Il y a trois piliers dans la lutte anti-tabac : la prévention, l’incitation à arrêter de fumer (cessation), et la réduction de la nocivité. Les deux premiers existent depuis longtemps, mais ils ont atteint leurs limites. Beaucoup de fumeurs, malgré les messages de prévention, n’arrêtent pas. C’est pourquoi il faut leur offrir une alternative moins nocive, pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas arrêter. Malheureusement, dans beaucoup de pays africains, ces alternatives sont soit indisponibles, soit méconnues du grand public.
Est-ce uniquement une question de réglementation ?
Pas uniquement. C’est aussi une question de communication et de perception. Par exemple, au Sénégal, la loi anti-tabac est très stricte. Elle empêche même des actions sociales, comme offrir des ambulances ou des motos-pompes, sous prétexte qu’il s’agirait de publicité indirecte. Or, ces actions étaient bénéfiques pour les populations. Dans d’autres pays comme le Nigeria, le cadre est un peu plus ouvert, ce qui permet d’échanger plus facilement avec les scientifiques ou les journalistes.
Les gouvernements africains doivent-ils faciliter l’accès à ces produits ?
Je le pense. Les exemples du Japon et de la Suède sont parlants. Au Japon, depuis l’introduction du tabac chauffé en 2014, le taux de fumeurs est passé de 19,6 % à 10 % en dix ans. C’est considérable. Pour réussir ce type de transition, il faut que les gouvernements écoutent la science, qu’ils reconnaissent la continuité du risque – tous les produits ne se valent pas –, et qu’ils adaptent la fiscalité. Si les taxes sont trop élevées, les produits alternatifs ne seront pas accessibles. Ce serait un échec pour la santé publique.
Quel rôle pour la société civile, les chercheurs et les médias dans cette dynamique ?
Ils sont centraux. La communauté scientifique doit comprendre et diffuser les données. Les journalistes, vous, êtes essentiels pour vulgariser. Les parlementaires doivent aussi être impliqués pour faire évoluer les lois. Enfin, les fumeurs doivent avoir le choix. Aujourd’hui, dans beaucoup de nos pays, ils n’ont qu’une seule option : continuer la cigarette. Il faut changer cela. Il y va de la santé de nos populations.
Propos recueillis par Simon Pierre ETOUNDI
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