Délaissé durant la crise politico-militaire qui a secoué la Côte d’Ivoire entre 2002 et 2011, ce joyau naturel reprend progressivement vie grâce aux efforts des autorités, même si les activités humaines continuent de mettre en péril sa fragile harmonie.
« Ici, le véritable danger, c’est l’homme », avertit d’entrée le chef d’une patrouille chargée de traquer braconniers et orpailleurs dans le parc national de la Comoé, vaste sanctuaire naturel situé au nord-est de la Côte d’Ivoire. Abandonné pendant la crise politico-militaire de 2002 à 2011, ce trésor écologique renaît peu à peu sous la vigilance des autorités, bien que la pression humaine continue de menacer son équilibre fragile.

Une savane aux allures d’Éden
Lors d’une rare expédition dans cette région frontalière du Burkina Faso, minée par l’insécurité, une équipe de l’AFP a exploré les immensités verdoyantes du parc — une étendue quasi intacte, grande comme un tiers de la Belgique. Sous un soleil brûlant, les journalistes ont observé des troupeaux d’antilopes curieuses, des familles de babouins bruyants et des phacochères remuant la terre rouge.
« La faune reprend ses droits, le parc se porte mieux », se réjouit le lieutenant Daouda Bamba, à la tête d’une escouade de dix gardes du corps paramilitaires de l’OIPR (Office ivoirien des parcs et réserves). Leur mission : traquer toute intrusion et protéger les animaux.

Des gardes en première ligne
Depuis le renforcement des opérations en 2016, la faune semble plus sereine. « Les animaux ne s’enfuient plus systématiquement, preuve qu’ils ne sont plus chassés », explique le lieutenant, kalachnikov à la hanche. Les hommes dorment sous des tentes, se nourrissent de sardines et de riz, et vivent au rythme des patrouilles à pied.
Un adjudant répare un drone, « outil précieux pour détecter toute activité suspecte ». Les gardes sont armés de matraques et de bombes lacrymogènes. « Lorsqu’on intercepte des intrus, les altercations sont fréquentes », reconnaît Bamba. Les signes d’alerte sont multiples : fumée au loin, traces de pneus, ou vol de vautours. Trois menaces persistent, précise-t-il : le braconnage, l’exploitation aurifère illégale et le pâturage clandestin.

Un parc d’une richesse exceptionnelle
S’étendant sur plus de 1,14 million d’hectares, le parc national de la Comoé, du nom du fleuve qui le traverse sur 230 km, est l’un des plus vastes d’Afrique de l’Ouest. Classée réserve naturelle dès 1926, il devient parc national en 1968, et sa biodiversité exceptionnelle lui a valu une renommée internationale. « C’était un paradis », se souvient Raynald Gilon, ancien garde belge ayant veillé sur la Comoé pendant plus de trente ans. « Les éléphants, lions, léopards, hippopotames, buffles et antilopes abondaient. » À l’époque, de 6 000 à 7 000 touristes, surtout européens, visitaient le parc chaque saison.
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Mais la crise ivoirienne de 2002 a marqué la fin de cet âge d’or. Situé dans une zone passée sous contrôle rebelle, le parc a été livré au pillage. Les gardes ont dû fuir, laissant la place aux braconniers et aux orpailleurs. « Ce fut un désastre complet », déplore Gilon. « La Comoé a été saccagée ». L’UNESCO a alors inscrit le site sur la liste du patrimoine mondial en péril en 2003, symbole d’une tragédie écologique.
La reconquête du territoire
Avec le retour à la stabilité politique, les autorités ivoiriennes ont lancé un ambitieux plan de restauration. Formation de nouveaux gardes, patrouilles motorisées, matériel moderne : tout a été mis en œuvre pour sécuriser la zone. « Ces efforts ont ramené la tranquillité et permis à la faune de se reconstituer », se félicite le commandant Henri Tra Bi Zah. En 2017, la Comoé est rayée de la liste du patrimoine en danger, une première pour un parc africain.
Les signes d’un renouveau fragile
Les inventaires récents de l’UICN confirment une amélioration : la population d’animaux augmente lentement. Trois groupes d’éléphants, totalisant près de 200 individus, ont été observés. Les chimpanzés réapparaissent. Si le lion et le lycaon semblent disparus, les léopards, les hyènes et les caracals prospèrent de nouveau. Les antilopes sont légion, et les buffles se compteraient par milliers. Cependant, l’accès aux zones reculées reste difficile : il faut marcher des heures dans une savane infestée de mouches tsé-tsé pour apercevoir la faune.
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« La Comoé attire encore les convoitises », avertit le commandant Tra Bi Zah. « L’orpaillage illégal demeure notre principal défi, même s’il est aujourd’hui mieux contenu ». Entre espoir et vigilance, le parc national de la Comoé poursuit sa lente reconstruction, symbole d’une nature résiliente face aux blessures de l’histoire.







