Burkina: ce qu’il faut retenir du nouveau gouvernement

Ce que l’on peut retenir du nouveau gouvernement, le premier de Christophe Dabiré, rendu public ce jeudi 24 janvier 2019.

32 ministères. Neuf départs, huit entrées. On compte en tout 7 femmes, contre 6 dans le gouvernement précédent. Ce n’est pas encore tout à fait ça, mais le président a fait un pas. Un seul, mais qui le rapproche ainsi de sa promesse de parité dans le gouvernement.

L’une des premières choses que l’on peut noter est la création de deux ministères d’Etat: celui de la Défense et celui de l’Administration territoriale.

Dans le précèdent gouvernement, le seul super ministère était occupé par Simon Compaoré, qui quitte l’équipe. Ainsi libéré, Simon Compaoré -hospitalisé mi-janvier à la suite d’un malaise-, pourra se reposer et aura les coudées franches, en tant que président -par intérim- du MPP, pour préparer la campagne pour la présidentielle de 2020 afin de faire réélire Roch Marc Christian Kaboré, qui a annoncé qu’il va se représenter.

On peut aussi noter le rétablissement d’un ministère “plein” chargé de la Promotion civique qui va sans doute apporter un grand plus dans la lutte contre l’incivisme qui mine le Burkina et qui s’est traduit ce début d’année par le massacre de la communauté peule à Yirgou, le lynchage de deux policiers à Nafona et l’attaque par des civils d’un commissariat de police par la population à Orodara (5 morts).

Gendarme à la retraite

La ministère de la Jeunesse, de la Formation et de l’Insertion professionnelle change de dénomination et devient ministère de la Jeunesse et de la Promotion de l’entrepreneuriat des jeunes. Salifo Tiemtoré, à qui le fauteuil est confié, était député du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) à l’Assemblée nationale et Secrétaire à l’organisation de ce parti. Il aura à cœur de trouver le bon mécanisme pour promouvoir l’auto-emploi des jeunes et réduire le taux de chômage à sa portion congrue, la Fonction publique ne pouvant absorber tous les demandeurs d’emplois.

Erigé en ministère d’Etat, l’Administration territoriale devient Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Cohésion sociale. Une conséquence des troubles communautaires qui ont secoué le Burkina ces derniers temps ? Ce qui est sûr, c’est que, sur la question, Siméon Sawadogo a du pain sur la planche.

De son côté, l’Éducation nationale et l’Alphabétisation de Stanislas Ouaro se voit adjoindre la Promotion des langues nationales.

Autre département qui voit sa dénomination modifiée: le ministère de la Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille qui devient ministère de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire. Au mois d’octobre 2018, le pays enregistrait près de 40 000 déplacés internes, selon le Haut-commissariat aux réfugiés. Auxquels s’ajoutent désormais les 6 000 déplacés après les violences de Yirgou et de Gasseliki.

Alors qu’il s’était juré de ne pas faire figurer de militaires dans son gouvernement, le chef de l’Etat a confié le sensible département de la Sécurité à un militaire (un gendarme à la retraite). Une entorse certainement dictée par la volonté de doper la lutte contre le terrorisme, qui commence à gangrener le Burkina Faso. Le portefeuille échoit au colonel Ousseini Compaoré, ancien chef d’Etat-major de la gendarmerie sous la révolution et précédemment Consultant pour le système des Nations unies.

Le commandant de la gendarmerie sous la révolution, trouvera-t-il la formule qui permettra à nos forces de défense et de sécurité de prendre nettement le dessus sur les terroristes? On se rappelle que le 15 octobre dernier, lors d’un panel organisé à Ouagadougou dans le cadre de la commémoration des 31 ans de l’assassinat de Thomas Sankara, il rappelait les mots du père de la révolution burkinabè selon lesquels la troupe pouvait être efficace avec peu de moyens: «Pendant les réunions du CNR, à chaque fois qu’on parlait de sécurité, Thomas Sankara disait: Vous savez, l’abondance des moyens reflète l’incapacité des chefs».

«El commandante» à la Défense

De même, la Défense est confiée à Moumina Chériff Sy, journaliste, fondateur de l’hebdomadaire Bendré, figure de proue de l’insurrection populaire, président du Conseil national de la Transition et précédemment Haut représentant du chef de l’Etat. Entré dans la clandestinité, il a joué un rôle dans l’échec du coup d’Etat de l’ex Régiment de sécurité présidentielle contre les autorités de la transition en 2015.

Par ces temps de lutte sans merci contre l’insécurité, les connexions et la solide connaissance de l’armée qu’on prête à «El commandante» -son surnom- pourraient être d’un apport inestimable.

Le département de la Santé est désormais piloté par une femme, fait inédit au pays des hommes intègre. Léonie Claudine Lougué / Sorgho, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, est médecin radiologue de son état. Elle occupait le poste de directrice de l’Unité de formation et de recherche en sciences de la Santé (UFR/SDS).

Le ministère délégué auprès du ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Cohésion sociale, chargé de la Décentralisation et de la Cohésion sociale est confié à Madiara Sagnon, administrateur des services financiers. Conseiller technique en finances au ministère des Mines et de l’Energie, elle est la présidente du conseil d’administration de la Sonabel.

En première ligne dans la refondation de la gouvernance économique et financière du Burkina Faso, Rosine Sori Coulibaly cède le pilotage de l’économie, des finances publiques, de la gestion du développement et de l’aménagement du territoire à Lassané Kaboré. Le nouveau ministre de l’Économie, des Finances et du Développement est un cadre de la Cédéao et ancien directeur général de la coopération.

Le gouvernement Dabiré 1 est attendu sur le terrain de la poursuite de la mise en œuvre du PNDES dont les indicateurs positifs doivent être consolidés, sur les questions sociales et sécuritaires. Il doit aussi veiller sur le chantier de l’intégration sous-régionale et du dialogue social.