Détecter la maladie

Sierra Leone : dix ans après Ebola, le pays combat une autre fièvre tueuse

SOCIETE
Publié le 04 juillet 2024
post image

Il est crucial de diagnostiquer la maladie dès les premiers signes, car les symptômes initiaux tels que la fièvre peuvent être facilement confondus.

Dans l’obscurité d’une petite maison en terre de l’Est de la Sierra Leone, l’écologue James Koninga fouille sous un lit en mauvais état pour récupérer un piège à rats. Cet appareil est une arme contre la fièvre de Lassa, une maladie mortelle. À 62 ans, James Koninga fait partie d’une équipe de chercheurs qui étudient cette fièvre hémorragique virale, endémique dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et transmise par les rongeurs. Il en connaît les effets dévastateurs : il y a trente ans, alors jeune chercheur, il avait contracté le virus et passé vingt jours à l’hôpital avec une fièvre, des diarrhées et des maux de tête. « Je me voyais partir, je me voyais mourir« , se souvient-il.

Le taux de létalité de la fièvre de Lassa est de 1 %, bien inférieur à celui d’Ebola, qui est en moyenne de 50 % selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cependant, il peut atteindre 15 % chez les patients gravement atteints. Les chercheurs restent vigilants face à tout signe de progression de la maladie. Bien que le nombre de cas stagne, ils sont plus largement dispersés sur le territoire. Il n’existe pas de vaccin reconnu et les traitements sont limités. De plus, comme pour Ebola, plusieurs obstacles empêchent une prise en charge précoce, essentielle pour la guérison. L’éloignement des centres de santé et les heures de routes difficiles découragent la population à chercher rapidement les soins. Détecter la maladie précocement est vital, d’autant plus que les premiers symptômes comme la fièvre peuvent être confondus avec ceux du paludisme, du choléra ou de la typhoïde.

Lire aussi: Côte d’Ivoire : 185 personnes intoxiquées par une pollution minière dans un fleuve

Surveiller les rongeurs est crucial dans la région de Kenema et dans les villages isolés comme Mapuma, où James Koninga travaille actuellement au milieu des habitations nichées dans la forêt dense. Des poseurs de pièges attrapent jusqu’à vingt rats par jour. Ils s’assurent d’abord que les rongeurs appartiennent au genre Mastomys, porteur du virus, avant de prélever des échantillons pour analyse. Les rats sont relâchés après une injection qui empêche la transmission du virus. Ce dernier se transmet à l’homme principalement par contact avec des aliments ou des objets contaminés par l’urine ou les excréments des rongeurs. « Les rats creusent leurs terriers à l’intérieur des maisons et y laissent leurs déjections« , explique le scientifique, portant masque et gants de protection. « Si les gens reviennent de la brousse avec une plaie et se couchent sur le lit, ils risquent d’être infectés. »

Proximité de la brousse, maisons en terre, stockage ouvert des céréales et de l’eau : ces lieux sont des « hôtels cinq étoiles » pour les rats, explique Lansana Kanneh. Mais « la nourriture est tellement rare pour les gens, ajoute-t-il, qu’il leur arrive de consommer celle partiellement mangée par les rongeurs« . La fièvre affecte entre 100 000 et 300 000 personnes par an en Afrique de l’Ouest et en tue environ 5 000, selon les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC). Ces chiffres sont probablement sous-estimés.

Lire aussi: Nigeria : une tempête fait cinq morts à Bauchi

Si les admissions au service spécialisé de l’hôpital de Kenema, le seul centre de traitement dédié en Sierra Leone, ont diminué depuis dix ans, l’apparence est trompeuse. Les malades arrivaient autrefois pendant la saison sèche, de novembre à mai. Désormais, « nous voyons des cas toute l’année« , témoigne le docteur Donald Grant, chef du programme sur la fièvre de Lassa au KGH. Et la mortalité parmi les personnes hospitalisées a augmenté de manière alarmante, dépassant 50 %. « Elles passent parfois vingt-quatre ou quarante-huit heures à l’hôpital, et puis meurent« , rapporte Lansana Kanneh.

L’équipe constate également une augmentation des cas en dehors des districts auparavant endémiques. Le docteur Grant attribue cela à l’expansion des activités humaines dans la forêt, rapprochant les gens des rats. Il espère l’arrivée d’un vaccin homologué dans les prochaines années. Un sérum est actuellement en phase intermédiaire de tests cliniques sur plusieurs centaines de personnes au Nigeria et au Liberia. En attendant, le médecin appelle à rester vigilant. « Ebola nous a appris qu’il ne faut pas attendre le point critique où l’épidémie nous submergera tous, prévient-il. C’est maintenant qu’il faut agir. »

Sonia Feugap avec AFP

Articles similaires

autorités
image goes here
Afrique de l'ouest

Les quotidiens sportifs « stades » et « sunu lamb », ont interrompu leur publication le week-end dernier après plus de vingt ans d’existence. l’organisation des associations des médias au sénégal a alerté mardi sur la fermeture de sociétés de presse et la perte de dizaines d’emplois en raison de la pression variée des nouvelles autorités. deux quotidiens sportifs...

Benin
image goes here
POLITIQUE

Le ministre nigérien du pétrole, mahaman moustapha barké, a inspecté les installations pour se rassurer que cette mesure est effectivement mise en œuvre. la télévision publique nigérienne a rapporté le jeudi 13 juin que niamey a ordonné depuis le 6 juin dernier la fermeture des vannes du pipeline qui relient le nord-est du niger au...

image goes here
SOCIETE

La réalisatrice et productrice bolanle austen-peters rend hommage à la mère de fela kuti, une grande figure militante et avant-gardiste pour les droits des femmes dans son pays.   dans ce long métrage d’une heure et trente minutes qui sort ce vendredi 17 mai 2024, la réalisatrice et productrice bolanle austen-peters salue la mémoire de...

50.000 personnes
image goes here
SOCIETE

L’agence nationale de gestion des catastrophes lance un appel à l’aide pour collecter 10 millions de dollars et déclare que 100.000 personnes sont exposées aux risques d’inondations. en effet près de 50.000 personnes sont touchées par des « inondations sans précédent » survenues récemment au liberia. ce mardi 9 juillet, l’agence nationale de gestion des catastrophes (ndma)...

logo
© 2025 All rights reserved. Powered by Samori Media Connection