Entre stigmatisation, rejet et traumatismes, les jeunes filles libérées de la captivité de cette nébuleuse affrontent le difficile défi de la réintégration dans l’Extrême-Nord du Cameroun.
Dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, où le groupe terroriste Boko Haram sévit depuis plus d’une décennie, de nombreuses femmes et jeunes filles sont régulièrement kidnappées et forcées à vivre sous l’emprise de cette organisation terroriste.
Yagana Modu, 16 ans, originaire du village de Tolkomari dans l’arrondissement de Kolofata, département du Mayo-Sava, région de l’Extrême-Nord du Cameroun, fait partie de ces jeunes filles séparées de leurs proches lors d’une attaque de Boko Haram. Cette ex-prisonnière des terroristes, que nous avons rencontré ce vendredi 8 novembre 2024 dans son village, tente aujourd’hui de reconstruire sa vie malgré la stigmatisation et l’isolement social, après des mois de captivité. Enlevée à l’âge de 12 ans lors d’un raid de Boko Haram, Yagana Modu a passé plusieurs mois dans l’enfer de la captivité.
Des ex-prisonnières de Boko Haram et leurs progénitures
Forcée de se plier aux exigences des combattants, elle a vécu dans une peur constante, coupée de sa famille et de tout espoir. C’est grâce à une intervention militaire que Yagana a été libérée avec d’autres otages. Pourtant, cette libération n’a pas signifié la fin de son calvaire. « Malgré ma joie de retrouver ma famille après des mois de séparation, mon retour à la maison n’a pas été aussi heureux que je l’imaginais. Quand je suis rentrée, je ne reconnaissais plus personne, je me sentais étrangère dans mon propre village. Les autres enfants se moquaient de moi, m’appelaient « la fille des terroristes ». Même ma mère ne savait pas comment me parler », confie Yagana Modu, la voix brisée par l’émotion.
Méfiance et rejet
De retour chez elle, Yagana Modu s’attendait à être accueillie avec compassion. Mais au lieu de cela, elle fait face à la méfiance et au rejet. Pour certains villageois, elle est perçue comme « contaminée » par l’idéologie de Boko Haram, voire même comme une menace potentielle. « Les gens m’évitent et murmurent derrière mon dos ; certains disent même que je suis une espionne ou la femme des terroristes », confie-t-elle, les yeux remplis de tristesse.
Des enfants déplacés à cause de Boko Haram
Cette stigmatisation devient un obstacle majeur à sa réintégration, la rendant à nouveau prisonnière, cette fois-ci des préjugés et de l’incompréhension de sa propre communauté. Le parcours de Yagana témoigne des souffrances multiples qu’endurent les ex-prisonnières de Boko Haram : l’épreuve de la captivité, la stigmatisation à leur retour, et le défi de la réintégration dans une société marquée par la peur et la méfiance. En dépit des obstacles, elle garde l’espoir de retrouver un jour sa place au sein de sa communauté.
La stigmatisation, une seconde prison pour les ex-prisonnières de Boko Haram
Le cas de Yagana Modu n’est malheureusement pas isolé. De nombreux enfants libérés des camps de Boko Haram ou séparés de leurs familles pendant les conflits se retrouvent confrontés à une stigmatisation sociale. Ils sont perçus comme des intrus, parfois même comme une menace. Les enfants non accompagnés subissent souvent des violences physiques et psychologiques durant leur captivité ou leur errance. Même après leur réunification, ces séquelles persistent. Ces jeunes traumatisés peinent à s’intégrer dans un environnement qui ne comprend pas leur vécu.
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Leurs familles, déjà éprouvées par la guerre, sont souvent mal équipées pour répondre à leurs besoins spécifiques. Dr Benjamin Fangamla, psychologue et enseignant à l’Université de Maroua, explique : « Ces enfants présentent des troubles post-traumatiques sévères. Ils ont souvent des cauchemars, des crises de panique, et des difficultés à nouer des liens affectifs. Sans suivi psychologique adapté, ils risquent de sombrer dans la dépression ou de développer des comportements agressifs ». Il ajoute que « le soutien social est capital pour accompagner ces enfants victimes, afin de les aider à se réintégrer, à reconstruire leur confiance en eux-mêmes et en leur entourage, et à faire face aux souvenirs traumatisants de leur captivité ».
Une situation humanitaire alarmante
«Entre janvier et décembre 2023, le CICR a réussi à établir 1 154 contacts entre les familles des disparus. 153 lettres échangées ont permis aux familles de garder contact et 204 personnes séparées ou disparues ont été localisées et sont en contact avec leurs familles».
La réinsertion des ex-détenues comme Yagana Modu nécessite un effort concerté, combinant l’action des autorités, des ONG, et une véritable empathie de la part des communautés. Seule une approche inclusive peut garantir que ces jeunes filles retrouvent leur dignité et une vie stable, loin de l’ombre de Boko Haram.
La situation de ces enfants constitue une préoccupation majeure pour les organisations humanitaires sur le terrain. Selon l’UNICEF, plus de 3 500 enfants non accompagnés ont été enregistrés dans la région du Lac Tchad entre 2020 et 2023. Leur prise en charge, bien que prioritaire, est souvent insuffisante en raison du manque de ressources. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), une organisation impartiale, neutre et indépendante, déploie régulièrement des programmes de protection et d’assistance pour les personnes et les communautés touchées par les conséquences désastreuses de Boko Haram dans l’Extrême-Nord. Entre janvier et décembre 2023, le CICR a réussi à établir 1 154 contacts entre les familles des disparus. 153 lettres échangées ont permis aux familles de garder contact et 204 personnes séparées ou disparues ont été localisées et sont en contact avec leurs familles. On apprend aussi qu’au moins 7 réunifications ont été organisées pour des enfants séparés de leurs parents. Cela s’ajoute à l’assistance en vivres et biens essentiels, l’aide financière, et le soutien à la production agricole, entre autres.
Des femmes otages de Boko Haram libérés
Ces enfants, ayant vécu dans des contextes de violence extrême, ont souvent perdu toute forme de repères. Leur réintégration dans une société marquée par le dénuement et le conflit est un chemin semé d’embûches. La plupart des responsables de projets d’ONG décrivent les difficultés rencontrées sur le terrain : « Nous faisons de notre mieux pour réunir ces enfants avec leurs familles. Mais une fois la réunification faite, il reste la question de la réinsertion. Les infrastructures d’accueil manquent cruellement, et il n’existe presque pas de programmes de suivi psychologique adaptés à la situation de ces enfants ».
La formation pour un meilleur avenir
Pour répondre à cette crise, certaines initiatives tentent de pallier ces insuffisances. Le gouvernement camerounais, en collaboration avec des ONG locales et internationales, a lancé des programmes de formation professionnelle pour les jeunes ayant subi les affres de la guerre. L’objectif est de leur offrir des compétences pratiques afin de les aider à s’intégrer plus facilement dans le marché du travail. Mais ces efforts sont encore timides.
Aissata Abba, une adolescente de 17 ans ayant perdu ses parents et qui vit aujourd’hui dans un centre de réinsertion à Mora, raconte : « Ici, j’apprends la couture. Ça m’aide à penser à autre chose, à imaginer un futur. Mais je ne ais pas si, une fois dehors, je pourrai vraiment vivre de ça. La vie là-bas est difficile ».
Lire : Terrorisme : d’anciens membres de Boko Haram se rendent
La réinsertion complète de ces enfants nécessite des efforts combinés : une prise en charge psychosociale adaptée, l’accès à une éducation ou une formation professionnelle, et surtout la sensibilisation des communautés pour combattre la stigmatisation. Ces enfants, qui n’ont pas choisi d’être victimes, méritent une nouvelle chance dans la vie.
En attendant, Yagana Modu, Aissata Abba et tant d’autres continuent de se battre pour reconstruire leur existence dans un monde qui semble avoir oublié leurs souffrances.
Célestin Tabouli Succès
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